Sur les traces de la loi de 1905 : une Journée de la laïcité à l’Assemblée nationale
La classe de 1ère Bac Pro 1MCV3 a été emmenée sur les traces de la loi de 1905 : elle a passé une Journée de la laïcité inédite, le 7 décembre 2022, à l’Assemblée nationale.
C’est un exemple de séquence menée en lycée professionnel en interdisciplinarité en histoire-emc et en économie-droit.
Le projet a été motivé par la volonté de réhabiliter le principe de laïcité auprès de nos élèves en classe de première bac pro métiers du commerce et de la vente.
Un constat s’impose à nous, enseignants : le principe de laïcité peut être aujourd’hui dévoyé car incompris. Il est victime d’un contre-sens préjudiciable au vivre-ensemble, à l’école comme dans notre société.
Un préalable, définir et mettre en perspective la laïcité
À la question « Qu’est-ce que la laïcité ? », nous recevons autant de définitions que d’élèves. Cependant une écrasante tendance domine : le principe de laïcité rime parfois pour eux avec coercition. Il serait liberticide, voire discriminant. Il suffit pour cela d’écouter nos élèves : « La laïcité m’empêche de pratiquer ma religion. », « La laïcité me prive de liberté. ». Rares sont ceux qui associent laïcité et liberté, et encore moins laïcité et égalité.
Il importe, bien sûr, d’accepter leur parole sans juger et de dépasser notre sentiment d’impuissance pour tenter de déconstruire leurs représentations erronées et reconstruire une vision plus ouverte et partagée du principe de laïcité. Mais comment faire sans passer par une parole jugée descendante et, de ce fait, suspecte car institutionnelle ? Comment, en somme, leur faire éprouver la valeur de cette valeur : la laïcité comme corollaire des principes de liberté, d’égalité et de fraternité ?
S’appuyer sur les faits
Dans ce contexte, il paraît évident de convoquer la discipline Histoire pour éclairer le temps présent. Epistémologiquement, notre discipline s’est élevée au rang de science. Seule la méthode historique permet la mise en perspective et un sain recul critique. Revenir sur l’héritage des Lumières depuis la Révolution française permet d’expliquer l’instauration du principe de laïcité dans la durée, comme fait de société constitutif du projet républicain.
Une expérience inédite : revivre les débats autour de la loi de 1905
Nos élèves, invités par la Présidente de l’Assemblée nationale le 7 décembre 2022, Madame Yaël Braun Pivet, ont assisté à une reconstitution des débats autour de la Loi de 1905, au sein même de l’hémicycle.
Ils ont vu s’incarner sous leurs yeux la richesse des débats : le verbe de Briand, la libre pensée de Maurice Allard, la radicalité du comte de Baudry d’Asson, la sagesse et la puissance de Jaurès, l’acceptation pragmatique de l’abbé Gayraud.
Assis dans l’hémicycle, à la place des députés, ils ont opéré une plongée au cœur du processus démocratique d’élaboration des lois. Cette expérience, unique, leur a permis de donner du sens à des notions juridiques telles qu’amendement, ajournement, motion. L’appropriation de ces notions participe de l’apprentissage citoyen. Elle permet aux élèves de devenir des êtres éclairés et agissants au sein de la cité, capables d’identifier les discours de radicalité et de s’en prémunir.
Lors de cette séance, un élève du lycée Léon Blum, conforté intellectuellement par ce qu’il avait appris lors de cette séquence, s’est levé pour poser une question sur ce qui lui semblait être une atteinte à la laïcité.
En voyant leur camarade débattre, argumenter mais aussi être entendu et respecté, le voir se saisir ainsi du pouvoir de la parole, s’ouvre, pour tous les élèves, la possibilité de s’engager en politique et, pourquoi pas, de devenir un jour député ? Nous reviennent alors en mémoire les vers de Victor Hugo : « Chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne. ».
Un projet transposable dans nos classes
Dans nos salles de classes, nous pouvons atteindre les mêmes résultats en exploitant l’excellent film documentaire La Séparation écrit par Bruno Fuligny en 2005. Mettre en voix les différents acteurs de cette loi, les caractériser, mettre au jour l’ethos qui les meut pour mieux comprendre leurs arguments, sans oublier le contre-projet de Maurice Allard qui répond à des questionnements contemporains.
Certains élèves avaient des idées préconçues sur la notion de laïcité. Mais la nature des arguments, témoignant d’un contexte anticlérical, les a amenés à comprendre le véritable projet de cette loi : limiter l’autorité et l’emprise de l’Église catholique sur la société, instaurant l’égalité entre les différentes religions (le judaïsme et le protestantisme ayant étés auparavant quasiment effacés de la société française). Les résonnances de ce projet dans le temps présent, celui des élèves, permet de mieux leur faire saisir les objectifs de la loi : s’émanciper de tout dogme pour oser penser par soi-même, à égalité avec les autres, à l’abri de toute pression.
L’enseignant au cœur du projet républicain
Il est de notre devoir, à nous enseignants, de veiller à l’apprentissage et à la compréhension des concepts et principes républicains, mission historique depuis l’école de la IIIe République et de garder à l’esprit que tout événement historique doit pouvoir être traité en classe : la Shoah, la guerre d’Algérie, la colonisation, ainsi que le blasphème et la caricature.
Et lorsqu’en aparté, un élève vient nous voir et dit : « Mais, je ne comprends pas pourquoi la laïcité est si critiquée. », on touche là, à la finalité première de notre métier, à savoir l’émancipation.
Voici le retour des élèves suite à cette expérience :
Mme Sanz, professeure de Lettres-Histoire
Mmes Ould Slimane et Loussaief. professeures d’économie - droit
Lycée Léon Blum, Créteil
