Un écrivain dans la classe
Dernière mise à jour le 22/04/2021
Rencontre avec Rachid Benzine autour de son livre Ainsi parlait ma mère.
L’écrivain est venu au cours du mois de janvier 2021 à la rencontre des élèves de 2nde bac pro électrotechnique du lycée Édouard Branly de Créteil dans le cadre du Prix littéraire des lycéens 2020-2021. Ils ont pu échanger autour de son œuvre lue en classe, Ainsi parlait ma mère .
Qui est Rachid Benzine ?
La rencontre a débuté par une présentation personnelle de l’auteur : originaire de Trappes, politologue et islamologue, il écrit depuis quelques temps de la fiction pour dire des choses différentes de la recherche. Ce qui le taraude, explique-t-il, c’est la question de la transmission, de l’intergénérationnel, et la nécessité de transmettre son histoire.
Son œuvre précédente Lettres à Noor, poursuit-il, est un échange épistolaire entre un père et sa fille partie en Irak faire le Djihad. 78 jeunes sont en effet partis de la ville de Trappes dont est originaire l’écrivain. Son but explique-t-il n’est pas de juger, mais de comprendre la colère et la révolte des jeunes.
Évoquant ensuite une autre de ses publications Né un 17 octobre à Paris l’écrivain explique que c’est le silence et les non-dits de l’État et des familles ( lors de la répression de la manifestation contre la guerre d’Algérie en 1961) qui poussent des jeunes à la colère et à la révolte.
Échanges avec les élèves
Les échanges ont d’abord porté sur les prouesses sportives de l’écrivain : « C’est vrai que vous êtes champion de Kick ? » puis sur le caractère autobiographique ou non du roman : « C’est vrai ce que vous racontez sur votre mère ? »
L’écrivain a expliqué que l’on pouvait effectivement établir des parallèles entre le narrateur et lui-même ; insistant sur le fait que chaque écrivain met nécessairement un peu de lui-même dans ses écrits. Ce qu’il cherche à faire, à transmettre développe -t-il est l’expression d’une vérité humaine, propre à chacun, et que tout le monde peut saisir. Pour lui, l’intérêt d’un livre ou d’une œuvre est réalisé lorsque le lecteur se sent touché par l’écriture et qu’il se reconnaît dans l’un ou plusieurs des personnages présents. La véracité ou non des faits apparaissant dès lors secondaire.
Le rôle de l’école
Pour l’écrivain, l’école inclut autant qu’elle exclut : les premières victimes étant les parents : car ces derniers n’ont pas accès à la culture écrite. Dès lors, une distance s’établit entre ces derniers et leurs enfants de manière inéluctable :« Quand les enfants se mettent à remplir les fiches administratives, ils prennent une forme de pouvoir sur les parents. »
Cette distanciation, amène une gêne, une incompréhension entre les parents et les enfants. C’est un des thèmes récurrents du livre lu par les élèves, le narrateur expliquant qu’il a honte d’avoir eu honte de cette mère parlant mal le français et analphabète. Son intégration à elle passant par la télévision qui lui donne accès à cette langue, qu’elle maîtrise mal, et à la culture (francophone) du pays d’accueil, par le biais de chanteurs populaires comme Dalida ou de Sacha Distel.
Un extrait du livre, choisi et lu par la documentaliste, Mme Cahn, présente également lors de l’entretien, à la fin d de la rencontre a parfaitement illustré ses propos.
Qu’est-ce qui inspire et donne envie d’écrire ?
Une dernière question a porté sur la motivation de l’écrivain. Ce dernier a répondu que la littérature permettait de mieux sentir la réalité et l’expérience humaine ; en tout cas davantage que l’expérience scientifique qui, à travers des données chiffrées et des tableaux statistiques peut paraître ennuyeuse. En touchant davantage de personnes, par le biais de l’identification du lecteur et ses multiples possibilités d’adaptation (théâtrale, cinématographique) poursuit-il, la littérature constitue une matière indispensable pour traverser la vie.
L’entretien s’est terminé sur une citation d’Honoré de Balzac à propos de son roman La peau de chagrin , très présente dans le livre de Rachid Benzine : « vouloir nous brûle, pouvoir nous détruit mais savoir laisse notre faible organisation dans un perpétuel calme. »
Ainsi s’est achevé cet entretien- de près de deux heures – auprès des élèves, expérience riche et constructive auprès de jeunes en devenir qui ont pu dialoguer avec cet écrivain contemporain.
Dans le cadre du projet, d’autres expériences de ce type devraient se reproduire, permettant aux élèves d’avoir accès à d’autres formes d’écriture comme la poésie ou la B.D et leur offrant une belle ouverture culturelle et intellectuelle.
Mme Argy, professeure de Lettres-histoire, Lycée Édouard Branly – Créteil